En septembre dernier, j’ai eu rendez-vous avec une directrice d’école pour préparer des ateliers avec les élèves sur le respect. L’objectif de ces ateliers était de faire réfléchir les élèves sur comment respecter les autres à l’école, élèves et professeurs compris. Assez vite, notre conversation s’est orientée vers un problème émergeant : le non-respect de certains parents envers les professeurs de leurs enfants, ce qui influence beaucoup l’attitude de ces enfants envers leurs professeurs. Cette directrice s’alarmait de constater que de plus en plus de parents critiquaient les professeurs de leurs enfants en leur présence.
En effet, que de fois j’entends des parents critiquer durement les professeurs de leurs enfants en leur présence ! Que la critique soit justifiée ou non, est-ce que ça va aider l’enfant ? Est-ce que rabaisser un professeur va aider l’enfant, lui, à grandir ? J’en doute.
Dans certaines familles où l’enfant est roi, les profs sont mis au pilori. Ces parents n’acceptent pas que leur enfant reçoive une punition, ait une mauvaise note, soit critiquable. Du coup l’enseignant devient « le mauvais prof injuste » qui a forcément tort. Il semble que ces parents se sentent attaqués à travers leur progéniture. Comme si à chaque fois que leur enfant est puni, ce sont eux qui seraient punis. Certains parents s’identifient tellement à la réussite de leurs enfants qu’ils ont du mal à accepter leurs éventuelles échecs. Alors c’est plus facile pour eux de remettre en question les capacités des professeurs que celles de leurs enfants. Mais comment les enfants peuvent-ils se construire s’ils n’apprennent pas à affronter leurs échecs, à accepter les remarques ou punitions de leurs professeurs ? En critiquant les professeurs de leurs enfants, les parents décrédibilisent les professeurs. Les parents devraient au contraire soutenir les professeurs pour les aider à asseoir leur autorité.
De plus en plus de parents cherchent à s’immiscer dans le travail des professeurs, s’estimant supérieurs à eux, surtout dans les milieux favorisés. Certains parlent agressivement aux professeurs devant leurs enfants, ce qui est pesant et très désagréable pour les professeurs, et même parfois les enfants. Les remarques agressives, le manque de respect, les injures ou pire deviennent de plus en plus fréquents vis-à-vis des professeurs. Parfois ça devient de la tyrannie.
Bien sûr, les critiques semblent parfois justifiées car on peut rencontrer, comme dans tout métier, des mauvais professeurs, incompétents ou injustes. Cependant, même dans ces cas-là, il existe une manière digne et respectueuse de critiquer ces professeurs, surtout devant les enfants. Il me parait nécessaire d’expliquer aux enfants que derrière ces professeurs se cachent des hommes et des femmes sensibles, avec des failles et des qualités comme tout un chacun. La critique facile et acerbe des élèves et de leurs parents peut profondément blesser des professeurs. D’ailleurs les professeurs sont malheureusement connus pour faire plus de dépressions que la moyenne. La critique est acceptable quand elle est constructive. De plus, il est important que les parents apprennent à leurs enfants à faire la différence entre la personne et sa fonction. C’est-à-dire qu’un professeur peut être un mauvais enseignant tout en restant une bonne personne, digne d’être respectée.
Certes les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Cependant, les professeurs sont aussi des éducateurs. Et, pour mener à bien leur tâche éducative, les professeurs ont besoin que les parents leur fassent confiance et les soutiennent, sans les critiquer dans leurs dos. Quand un enfant se plaint d’un professeur, les parents peuvent bien entendu le consoler mais en restant vigilant à ne pas trop vite aller dans le sens de leur enfant en « tapant sur » le prof. Mieux vaut aller discuter avec le professeur ; très souvent, des problèmes, qui auraient pris des proportions ahurissantes sans rencontre avec le professeur, sont vite résolus et apparaissent minimes.
Parler de façon positive des professeurs de nos enfants devant eux est rassurant pour les enfants et tout le monde y gagne : professeurs, parents et enfants.